Albane : briser le cycle infernal de l’atavisme

Première production de la compagnie théâtrale La bouche _ La machine, Albane d’Odile Gagné-Roy est également la première mise en scène de cette jeune autrice et comédienne qui interprète le rôle-titre dans le spectacle. À l’ouverture des portes de la salle, six des sept personnages de la pièce sont déjà en place, immobiles comme des êtres inanimés qui attendent qu’on leur prête vie. L’impression qui se dégage du décor et des accessoires, dont certains sont surdimensionnés, des masques et des maquillages ainsi que de l’éclairage est intrigante et d’emblée porteuse de promesses.

Les glaces : au jour de la débâcle

Se fracasser contre les glaces provoque des secousses, génère du vacarme, crée des dommages ! Les glaces que l’autrice Rébecca Déraspe a choisi de briser dans cette œuvre théâtrale bousculent, heurtent et ouvrent le précipice béant du passé dans lequel Noémie (Valérie Laroche), Vincent (Christian Michaud) et Sébastien (Olivier Normand) dégringolent, entraînant leurs proches dans leur sillage. Vingt-cinq ans après l’événement qui a bouleversé sa vie, Noémie décide de se confronter à ses agresseurs et de les accuser personnellement de viol. Sans se consulter préalablement, les deux hommes retournent dans le Bas-Saint-Laurent, en plein hiver, pour tenter de calmer les choses. Mais les plaies, même recouvertes d’épaisses couches de gel, demeurent vives.

Kitchen Chicken : un antidote à la morosité

Après avoir été présentée pour la première fois à Québec dans le cadre du Mois Multi, en 2019, et avoir conquis, entre autres, Lyon, Vancouver, Toronto, Kingston, Montréal, Rimouski, sans oublier Saint-Casimir, la production Kitchen Chicken de L’orchestre d’hommes orchestres (L’ODHO) atterrit au Théâtre Périscope pour égayer le mois de décembre, semer de la joie, de l’éclat et de l’admiration en cette saison du temps des Fêtes. Les mots semblent tous trop faibles pour décrire l’explosion de bonheur que suscite la représentation. Pour rendre justice à la virtuosité vocale de Gabrielle Bouthillier et Danya Ortmann. Pour saluer les performances musicales et théâtrales de l’équipe d’interprètes qui, en plus des deux jeunes femmes, est composée de Bruno Bouchard, Jasmin Cloutier, Simon Elmaleh et Philippe Lessard-Drolet.

Box Exp. : une dystopie futuriste

Box Exp. est une œuvre du Collectif Bleu, un groupe ad hoc de jeunes artistes formé pour mener à terme le projet de création et de diffusion d’une pièce de théâtre qui touche à des préoccupations actuelles transposées dans un avenir proche. La production présentée à Premier Acte se décline en cinq tableaux qui traitent notamment des répercussions, voire des perturbations, que les moyens technologiques de plus en plus raffinés ont sur les êtres humains, comment ils influent sur leur quotidien et orientent leurs façons d’interagir.

Alice : un fantastique moment de rêverie

Librement inspirée des œuvres de Lewis Carroll par l’autrice et comédienne Emmanuelle Jimenez, Alice, la coproduction du Théâtre du Trident et du Théâtre Rude Ingénierie (TRI), s’adresse à l’enfant enraciné en nous. Mais peut-on parler d’un conte pour enfants ? Le monde dans lequel évolue le personnage principal de la pièce n’a rien de naïf ou de puéril, voire de juvénile. C’est un monde d’adultes, de bêtes étranges et d’automates réglés comme du papier à musique. Un monde de conventions, truffé de non-sens, de contresens et de doubles sens, qui recèle des mystères et des menaces très concrètes pour Alice.

Grosse-Île, 1847 (dans les mots de ceux qui l’ont vécu) : Apprendre de l’histoire ?

Plusieurs connaissent Grosse-Île, jadis appelée Grace Island. Elle est située à l’est de l’Île d’Orléans, dans l’archipel de l’Isle-aux-Grues et a servi au 19e siècle de station de quarantaine pour les multiples bateaux d’immigrants qui affluaient vers le Canada. Mais est-on nombreux à connaître la véritable histoire de ce lieu et les drames qui s’y sont déroulés, alors que la maladie emportait les nouveaux arrivants ? La production du Théâtre de la Bordée met en lumière les événements dévastateurs de 1847 au moment où la petite île de 7,7 km2 s’est retrouvée aux prises avec un étrange microbe qui a tué quelques milliers d’êtres humains venus d’Irlande pour chercher un monde meilleur.

Maurice : Oupalaï !

Tout a commencé il y a une trentaine d'années. Maurice avait alors 33 ans. L’âge du Christ. Foudroyé par un AVC, sa vie culbute, sa brillante carrière d’économiste trépasse, son quotidien éclate. La déflagration est telle qu’elle s’est encastrée dans la cloison de sa cuisinette comme un formidable coup de poing du destin. La scène est sombre, les murs sont noirs, une petite table, striée de lumière blanche comme filtrée par un store vénitien, attend avec ses deux chaises. Entre Maurice, seul, aphasique. Il s’assoit. Lentement, soigneusement, il épluche une orange et la déguste. Puis il se lève difficilement et sa soif des autres explose. Pas de quatrième mur. Il s’adresse directement au public en peu de mots et en s’aidant de son unique main valide. Mais avec une émotion si intense qu’on dirait qu’elle brûle, prisonnière d’une bouteille de gaz qu’on a trop secouée.

L’usine : Un monde sans sens

Alors que les changements climatiques, la pollution, les catastrophes écologiques et le réchauffement planétaire occupent fréquemment la place publique, il est normal que ces menaces soient de plus en plus prégnantes dans les œuvres artistiques. Après le succès de leur première production, Nikki ne mourra pas (2019), la seconde création théâtrale du Collectif des sœurs Amar, L’usine, est au diapason de son époque. Dans un monde apocalyptique, Joseph (Gabriel Cloutier-Tremblay) et Joséphine (Laura Amar), deux jeunes survivants affaiblis par les affres de la maladie, du manque d’eau potable, d’aliments et de médicaments, vivent du peu d’amour, d’espoir et de souvenirs qu’il leur reste.

Cabaret : Willkommen

Reportée en raison de la pandémie et après, à n’en pas douter, de nombreuses heures de travail et de répétitions, la pièce Cabaret, produite par le Théâtre du Trident rayonne enfin sur les planches de la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec. Cette œuvre phare du siècle dernier, présentée à Broadway et adaptée au cinéma par Bob Fosse en 1972, est ici orchestrée par le metteur en scène Bertrand Alain qui a su raviver la flamme de cette comédie musicale et lui conserver son cachet des années 1930 à Berlin.

Parc Optimiste : Un duel ludique à la sauce western

En ouverture de la programmation 2022-2023 de Premier Acte, Parc Optimiste est une fréquentation de choix pour les dernières semaines de l’été. La production exhale des odeurs automnales tant par son récit que par sa localisation. En plein air, sous le couvert des grands arbres de la cour arrière de l’Église Saint-Charles de Limoilou, sur la terre brute où sont dressés la scène et les gradins, à travers les effluves de foin mouillé et dans la pénombre fraîche des journées qui raccourcissent inexorablement, la pièce déjantée du collectif La Palestre repose sur le duel. En fait, tout dans cette œuvre relève de la dualité : deux temporalités, deux espaces, deux idéologies, deux adversaires… et même doubles identités.