François Barbeau : taillé sur mesure
François Barbeau à l’atelier de La Roulote © Archives de la Ville de Montréal

Dans son plus récent film, le réalisateur Jean Beaudry rend hommage au plus grand costumier québécois, décédé en 2016. François Barbeau, créateur de costumes propose d’entrer dans l’univers du concepteur grâce à des images tournées dans son atelier, à des photos de productions marquantes et surtout, à des témoignages d’artistes et de collaborateurs qui l’ont côtoyé. Alors que ses professeurs le voyaient pratiquer la haute-couture, il a préféré concevoir des vêtements pour la scène. À travers des anecdotes racontées par Benoît Brière, Micheline Lanctôt, Gérard Poirier, Guy Thauvette et bien d’autres, le film permet de cerner les méthodes de travail de Barbeau, ainsi que son tempérament un peu rebelle.

François Barbeau a conçu des costumes de cirque, de ballet, de comédie musicale et de cinéma. On lui doit notamment les 300 costumes de Casse-Noisette, conçus en à peine neuf mois. Toutefois, c’est au théâtre que Barbeau a brillé de la plus belle façon, créant une bonne partie des costumes du Rideau Vert et du Théâtre du Nouveau Monde, concevant parfois des costumes pour deux ou trois productions de la même pièce dans des mises en scène différentes. Pour montrer l’ampleur de certains costumes, Gérard Poirier donne l’exemple de son costume de l’archevêque de Reims dans la mise en scène d’Yves Desgagnés de la pièce Sainte Jeanne de Bernard Shaw. Barbeau avait eu l’idée de créer un habit mi-costume, mi-armure, mi-monument qui serait digne d’une cathédrale. Avec l’impression d’entrer dans une sculpture immensément lourde, le comédien avait besoin de poignées pour se déplacer sur scène. Micheline Lanctôt raconte aussi que Barbeau s’était procuré des soutanes authentiques pour son film Pour l’amour de Dieu. Elle se rappelle encore l’odeur du tissu qui l’avait immédiatement replongée dans ses années de pensionnat.

Christine la reine-garçon, 2012-TNM © Yves Renaud

Jean Beaudry a également fait appel à des collaborateurs précieux de François Barbeau pour faire la lumière sur sa méthode de travail. Grand pédagogue, rappelons qu’il avait toujours deux ou trois stagiaires sous sa gouverne. Le concepteur de costumes Daniel Fortin, le tailleur Vincent Pastena et la coupeuse Amélie Grenier insistent tous sur la passion de François Barbeau pour son travail, sa compréhension des tissus et des couleurs, ainsi que ses talents d’artisan. En ce sens, Lorraine Pintal rappelle que Barbeau était l’un des rares concepteurs à encore engager des chapeliers pour ses conceptions et à fabriquer des bottes sur mesure pour certains rôles. Dans une volonté de donner une seconde vie à ses costumes, il était fréquent qu’il prenne les costumes d’un spectacle pour les adapter pour un autre.

Si le documentaire comporte de nombreuses photos de scène qui témoignent de la variété de ses créations, peu d’images d’archives montrent le jeune François Barbeau au travail. Alors que le concepteur a créé les costumes de toutes les pièces de Michel Tremblay par exemple, la seule photo se retrouvant dans le documentaire est celle des Belles-sœurs, reprise régulièrement par les médias. Bien que le film permette de bien cerner certains traits de l’artiste, la majorité des images documentent des spectacles récents sur lesquels a travaillé Barbeau. Les moments les plus forts du documentaire sont ceux où on voit l’artiste au travail. L’essayage d’Éric Bruneau pour Christine la reine garçon par exemple, ou celui de Magalie Lépine-Blondeau pour Cyrano de Bergerac, montrent bien le tempérament exigeant et sans compromis de Barbeau. À un autre moment, on le voit justifier ses choix de costumes auprès d’un Serge Denoncourt sceptique, permettant ainsi de constater combien sa réflexion était précise et détaillée. Pour Barbeau, le costume était le prolongement du personnage. Selon lui, l’ajout d’un corset sous une robe ou de trous dans des chaussettes faisait en sorte d’altérer le jeu d’acteur tout en l’enrichissant.

Si la mort précoce de Barbeau alimente une nostalgie qui alourdit certains passages, le documentaire de Jean Beaudry permettra assurément de faire mieux connaître une des figures les plus créatives de l’histoire du théâtre québécois. Cet artiste inspirant s’inscrit parmi les pionniers qui ont permis à la dramaturgie québécoise d’acquérir ses lettres de noblesse.

F. Barbeau dans son atelier, 2015 ©Productions Flow Inc

François Barbeau, créateur de costumes

Montréal
Dès le 27 avril, à la Cinémathèque Québécoise.
335, boul. De Maisonneuve Est, Montréal, Québec, H2X 1K1
Métro Berri-UQAM (sortie De Maisonneuve)
T. 514-842-9763
www.cinematheque.qc.ca

À Québec
Dès le 4 mai, au Cinéma Cartier
(ciné-rencontre le 3 mai à 19h en présence du réalisateur)
1019, avenue Cartier, Québec (Québec) G1R 2S3
Tél. (418) 522-1011
www.cinemacartier.com

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