FTA 2021 – La Goddam Voie Lactée : Nous sommes f*cking awesome

Rose, la couleur par excellence pour représenter la femme, avec tout ce que ce choix charrie en fait de clichés et de lieux communs. Rose, les éclairages. Roses, les combinaisons uniformes portées par les interprètes. Rose, qui devient couleur de corps et de parole, de diversité de formes, de préférences et d’acceptation, même à travers l’inachèvement ou la douleur.

Crédit Mathieu Doyon

Sous la direction de la chorégraphe Mélanie Demers, dans La Goddam Voie Lactée, la couleur rose s’affirme aussi bien qu’elle revendique; elle est lumineuse et remuante, parfois souffrante ou égarée, surtout pas docile ni silencieuse.

La Goddam Voie Lactée entretient un certain chaos sur scène, ce qui n’est pas pour déplaire, dans un monde où on préfère généralement l’ordre. Tout n’est pas net ni défini, il y a des cris, des gémissements, des petits bruits qui passent presque pour des pépiements, il y a aussi des berceuses pour enterrer les pleurs, le tout sur une scène rouge sang.

Le spectacle commence en force avec une performance grisante à la guitare électrique qui souffle un vent rebelle à même d’envoyer valser le décor à coups de pied. Puis, dans une succession de courts tableaux, performances dansées, vocales ou musicales, les interprètes tronçonnent cette image féminine à coups de bassin ou de poings, entre geignements et hurlements perçants. Elles suivent d’abord la partition imposée à l’onomatopée près, marquant les pauses et les reprises, dans un chœur réglé au quart de tour où les pleurs se font sur commande, avant qu’elles ne parviennent à s’en affranchir.

Crédit Mathieu Doyon

Sur la scène du Théâtre Rouge du Conservatoire, les quatre danseuses Stacey Désilier, Brianna Lombardo, Chi Long et Léa Noblet Di Ziranaldi s’extirpent peu à peu de leurs uniformes roses pour trouver leur couleur, leur style. Elles se laissent aller de plus en plus librement, mais toujours à distance, une contrainte imposée par les mesures actuelles, mais qu’on ne sent pas du tout peser sur la production. Ainsi, l’une se métamorphose en reine à paillettes, une autre s’arme d’un séchoir et d’une perceuse, une autre nous livre un slam franglais percutant et une autre lance un cri primal qui résonne jusqu’à la toute fin dans une montée dramatique marquée par la musique et une fumée envahissante.

La production est visuellement magnifique, que ce soit grâce aux éléments de décor qui se détachent magiquement sur le rouge de la scène ou grâce à ses éclairages éclatants signés Claire Seyller. Accompagnée par la musique créatrice d’atmosphères de Frannie Holder, à la présence scénique magnétique, la distribution entièrement féminine s’impose sur tous les fronts, tout en prenant à contrepied l’image de la femme sensuelle, douce, empathique, discrète, joyeuse…

« We smile sous la guillotine when there’s nothing else to do » lance une des interprètes dans un appel à voir au-delà des apparences, à tenir le coup face à l’adversité, à créer même dans le désordre, même quand notre voix se heurte à celle des autres. Il y a là une invitation qui sied parfaitement à la charge émotive féroce et déchirante convoyée par La Goddam Voie Lactée.

Crédit Mathieu Doyon

Du 3 au 6 juin 2021, au Théâtre Rouge du Conservatoire

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