La LNI s’attaque au cinéma – Les amours improvisés de Xavier Dolan

par Daphné Bathalon

Poursuivant dans la lignée du travail amorcé il y a trois ans avec sa série La LNI s’attaque aux classiques, l’équipe menée par le directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré, quitte le monde théâtral pour plonger dans le monde cinématographique. Avec La LNI s’attaque au cinéma, et avec sur la table de grands noms du cinéma comme Hitchcock, Tarantino, Almodóvar et Kubrick, et des réalisateurs d’ici – Dolan, Pool, Arcand et Melançon, la LNI s’offre un plateau bien garni!

Cette nouvelle édition de ce qu’on est désormais en voie d’appeler un rendez-vous annuel à Espace Libre élargit sa palette artistique : de trois comédiens, un éclairagiste, un animateur et un dramaturge, on passe à une équipe de neuf créateurs. S’ajoutent notamment, en plus d’une conseillère cinématographique en amont des représentations (Helen Faradji), deux auteurs-dramaturges (Jean-Philippe Durand et Christian Laurence), qui dirigent le trio d’improvisateurs en direct (cinq trios se répartissent les cinéastes cette année), un musicien (Éric Desranleau) et une cadreuse-caméraman (Geneviève Albert), car l’action se déroule maintenant à deux niveaux, sur scène et sur grand écran.

Le concept déjà éprouvé de ce spectacle didactique et ludique demeure le même : pendant une heure, l’équipe s’attèle à décortiquer sous nos yeux les thèmes de prédilection, le style, les codes et procédés du cinéaste choisi dans une suite d’exercices pratiques, avant d’improviser en deuxième partie une nouvelle oeuvre «inédite».

Photo prise lors de la soirée HITCHCOCK

Pour la soirée consacrée à Xavier Dolan, les improvisateurs aguerris Frédéric Barbusci, Diane Lefrançois et Joëlle Paré-Beaulieu ont eu l’occasion de s’initier à ce qui compose l’univers du jeune réalisateur québécois. Le public, majoritairement composé d’étudiants, de curieux et d’amateurs d’improvisation, a pris plaisir à les accompagner dans leurs explorations. Dans cette initiation cinématographique, l’équipe nous a entraînés dans quelques-uns des thèmes chers à Dolan, dont la différence et les relations mère-fils, et dans sa façon de mettre en scène des personnages décalés, aux émotions à fleur de peau dans un environnement qu’ils perçoivent hostile. Un défi qui aurait pu se révéler casse-gueule, mais que les improvisateurs relèvent avec aplomb.

L’écran surplombant la scène, s’il attire forcément tous les regards, ajoute une deuxième dimension à l’exercice puisque le public se retrouve à la fois témoin de l’improvisation dans son entier et spectateur de l’image que la caméra cadre pour lui, comme s’il assistait à la fois à la production et à la projection de l’oeuvre. Quand on sait à quel point Dolan, entre autres réalisateurs, utilise le cadre pour mieux raconter ses histoires, le va-et-vient du regard entre la scène et l’écran n’en devient que plus pertinent.

Alors que théâtre et cinéma se complètent bien lors des exercices, quand vient le temps de voir le film improvisé à la manière du réalisateur, le leçon de cinéma perd en portée. Pourtant, l’équipe nous sert une jolie synthèse des points précédemment abordés. Tandis qu’en première partie, on apprécie de voir le making of se dérouler en direct sous nos yeux, en deuxième partie, il aurait été intéressant de ramener le cadre à celui de l’écran pour mieux nous concentrer sur le cinéma et voir pleinement comment le cadrage participe à l’écriture du réalisateur. Au lieu de quoi, le spectateur sort bien souvent de l’histoire pour rigoler des transitions vidéo ou des gros plans sur une maquette et ses voitures miniatures, des transitions néanmoins utiles pour permettre aux acteurs et aux auteurs-dramaturges de changer de scène.

La LNI s’attaque au cinéma livre en une heure trente un cours de cinéma mêlant efficacement théorie et pratique. Cette année le confirme : avec cette série, la LNI tient un concept solide et déclinable quasi à l’infini. Longue vie!

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