par Daphné Bathalon, à Avignon

NOVECENTO
Théâtre de l’Atelier 44, 44 rue Thiers

Novecento n’a jamais mis pied à terre, il est né sur un grand navire, y a été abandonné, puis adopté par un marin, il y a grandi et a très jeune démontré un talent extraordinaire pour le piano. Novecento est, en ce début de 20e siècle, une véritable légende : le pianiste sur l’océan. C’est un homme de musique et de peu de paroles. Tim, le trompettiste, nous raconte l’histoire de ce musicien, son meilleur ami. Les flots bleus de l’océan immense, transposés dans le minuscule théâtre de l’Atelier 44 du 7 au 11 juillet, bercent le récit de sa destinée particulière.

L’écriture ciselée d’Alessandro Baricco se prête bien à la scène : les images qu’elle évoque sont une puissante invitation au voyage. Si l’histoire met un court temps à prendre son essor – le numéro du présentateur de cabaret semble en effet de trop – dès lors que Tim et Novecento se rencontrent, le récit nous emporte d’un seul souffle. Suivant les mouvements des danseuses Karine Chiasson et Jacinthe Gilbert, on tangue avec le piano et la musique de Novecento. La danse, un riche apport au spectacle, crée en quelques gestes le décor marin.

Martin Lebrun (Tim), qui porte en bonne partie la pièce sur ses épaules, offre une interprétation sensible du trompettiste un peu nerveux mais qui pose un regard aiguisé sur la vie de son ami. On est bien loin du simple portrait biographique : les mots et les notes modulent cette histoire. Au narrateur Tim, la metteure en scène Geneviève Dionne a donné un interlocuteur, Novecento lui-même (Simon Dépôt). Il prend parfois la parole, rejouant un fragment de conversation, ou se glisse au piano pour faire résonner sa musique. Entre les deux comédiens, une belle complicité qui dynamise toute la pièce. Avec Tim, on se souvient nous aussi, on revit. La musique originale d’Oliver Leclerc se marie à merveille aux scènes évoquées.

Malgré tout, il faut un certain effort de concentration pour oublier l’étroitesse de la scène, le plafond bas et ce voile noir qui divise l’espace et coince les comédiens à l’avant. Tandis que le récit évoque l’immensité de la mer, le voyage transatlantique et le charme de la salle de bal de première classe, on a l’impression d’être relégué en fond de cale. Un petit espace pour une histoire qui appelle à l’évasion, c’est bien dommage. Une scène un peu plus grande siérait mieux à la production. Fort heureusement, les danseuses parviennent à nous faire valser avec elles, dans la houle d’une tempête ou la tranquillité d’une traversée vers l’Amérique.

Tantôt émouvant, tantôt presque onirique, Novecento nous laisse à quai, le sourire aux lèvres et le coeur un peu gros, avec l’envie d’embarquer pour une nouvelle traversée.

(Lire aussi la critique de ma collègue Magali Paquin, à la création en décembre 2011, à Québec)

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Avignon bourdonne. Il suffit de s’arrêter un instant auprès du carrousel de la Place de l’Horloge pour en prendre conscience. Légèrement en retrait, on observe le manège tout illuminé qui tourne et tourne follement. Ses chevaux montent et descendent au son d’une musique joyeuse. À l’instar du carrousel, la ville tourbillonne. Les gens costumés haranguent les badauds qui, mains tendues, acceptent tous les tracts, toutes les invitations. Entre les marchands de pacotilles ou d’authentiques pièces d’art, les terrasses prennent leurs aises sous la chaleur écrasante du sud de la France. Café glacé, sorbet, limonade, brumisateur, tout est bon pour se rafraîchir les esprits. Il fait chaud à Avignon. Les cigales le chantent bien. Molière, Shakespeare, Hugo, Wilde, les grands se donnent la réplique dans les rues tortueuses de la ville. Petit colimaçon, Avignon nous ramène toujours en son centre. Les gens font la queue sous le soleil implacable, ils se promènent carte dans une main, programme-annuaire dans l’autre. Battez tambours, sonnez trompettes, le spectacle se joue dans toute la ville!

 

 

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