ManiganSes !

ManiganSesIl y a maintenant 23 ans que la marionnette prend vie et rayonne partout dans la ville de Jonquière au Saguenay. Autrefois nommé « Semaine mondiale de la marionnette » et désormais « ManiganSes, festival international des arts de la marionnette à Saguenay », l’événement possède une offre inégalée de divertissement et d’émerveillement « marionnettique », et ce, dans une foule de lieux qui investissent complètement la petite ville. C’est à vouloir se diviser en quatre pour tout voir! Cette année, c’est pas moins de dix-huit spectacles en salle, dix spectacles extérieurs en plus de toutes les activités connexes telles un karaoké de marionnettes, des conférences ou encore des projections de courts métrages qui attendent l’amateur de cet art magnifique. Par contre, comme le festival est présenté sur deux semaines, il est malheureusement difficile de tout voir pour les personnes provenant d’autres régions. Voilà donc quelques mots sur les pièces auxquelles j’ai pu assister lors de la première fin de semaine du festival.

La lune est à moi

La lune est à moi
Crédit photo : Suzane O’Neill

Le Théâtre de l’Avant-pays nous présente cette pièce où une petite fille voit atterrir la lune dans son jardin et décide de la garder pour elle toute seule. Destinée au jeune public, l’histoire en tant que telle était quelque peu décevante, car sans grande péripétie. Les meilleurs moments étaient ceux d’un animateur de bulletin de nouvelles joué par un acteur en chair et en os, mais dont le microphone pouvait se transformer en plusieurs personnages venant faire un témoignage à la caméra. Du côté des marionnettes, cette pièce mettait de l’avant un parti pris discutable au niveau d’une manipulation à vue qui double le personnage au lieu disparaître derrière le petit être animé, ce qui, à mon avis, divise l’attention. D’un point de vue esthétique, les marionnettes étaient très jolies, mais l’expression du visage demeurait quelque peu figée malgré le type « marionnette à gueule » et il nous reste une impression qu’elles n’ont pas été utilisées à leur plein potentiel. La structure scénographique était très accrocheuse, une énorme butte d’oreillers d’où les marionnettes pouvaient surgir à travers plusieurs orifices. Au final, une pièce avec de belles intentions, mais dont certains éléments demandent encore à réflexion.

Théâtre de cuisine

Théâtre de cuisine
Crédit photo : © D. R

La compagnie Théâtre de cuisine roule ce spectacle du même nom depuis plus de 30 ans avec comme décor, accessoires et marionnettes une ribambelle de « rebus » entrant tous dans une malle de voyage. L’homme qui nous accueille, M. Carrignon, arbore une aisance remarquable avec le public. Puis, il s’installe sous la table et aussitôt, les bouteilles d’alcool, bouchons de liège et bouchons de métal, bonbons, boîtes à biscuits et autres artefacts prennent vie pour nous représenter un petit village de bord de mer où se dérouleront maintes petites anecdotes au sein d’une même journée. Une pièce sans fil narratif particulier, mais guidé par le plaisir de nous faire découvrir tous les petits dispositifs ingénieux manipulés sous la table. Un théâtre d’objets qui nous ravit par sa simplicité et son inventivité.

Le sens des fils

Le sens des fils
Crédit photo : Nati Cuevas, Peter Birk

Quelle chance incroyable que d’avoir pu voir à l’œuvre ces maîtres espagnols de la marionnette à fils que sont Jordi Bertran et son complice Carles Codina! Une suite de numéros à la manière d’un cabaret  qui nous émerveillent, émeuvent et amusent face aux petits personnages maniés à merveille par les deux hommes. La fabrication et la manipulation des marionnettes relèvent tous deux d’une complexité patente, car chaque personnage possède maintes particularités au niveau des articulations et ainsi, des possibilités. Notons un merveilleux numéro de Charlot en patin à roulettes qui nous exécute même de petits haussements d’épaules. Nous devenons subjugués par l’artifice lorsque tous ces petits détails se jouent sous nos yeux. La surprise du spectacle fut un numéro où les mains du guitariste et manipulateur deviennent de petits êtres avec comme tête une boule blanche apposée sur le pouce. Ces petits personnages vivront beaucoup d’émotions à travers la pièce musicale qu’ils tenteront de jouer. Quoi de plus enfantin, de plus simple que ces deux petites boules blanches sans même un trait pour le visage! Mais, le marionnettiste avec sa dextérité et toute sa sensibilité fait opérer la magie et nous voilà retombés en enfance.

Joseph la tache

Joseph-la-tache
Crédit photo : Michel Ostaszewski

Le Nouveau Théâtre Expérimental nous propose une magnifique installation scénographique constituée de plusieurs petites boîtes installées sur un mur et représentant chacune un lieu avec de multiples détails. Joseph, petit personnage de papier qui avait une tache de naissance proéminente au visage, voit l’objet de sa fierté disparaître lors de sa puberté. Partant à sa recherche, la petite tache rouge l’entraînera à travers toutes ces petites boîtes, dans autant de décors. Près de Joseph et Marie couvrant alors le petit Jésus comme une couverture, près de Maurice Ravel en nuage de mélancolie ou encore près d’un pêcheur alors en forme de poisson. Le petit personnage de papier traversera ces mondes accompagné tout au long par la voix de la narratrice qui nous raconte l’histoire un peu à la manière des livres de Disney qui ont marqué des générations. Tout en simplicité et en créativité, ce spectacle fut un petit 12 minutes très réussi!

Théâtre de rue – La quête du dragon

En après-midi, nous avons pu assister aux abords de la Rivière-aux-Sables à quelques spectacles de rue, soit Les Gargouilles et La Femme Blanche ; des personnages magnifiques et un public plus qu’au rendez-vous et d’un respect hors du commun! Lors du spectacle de Magali Gagnon, La Femme Blanche, qui est d’une beauté frappante et dont tout le déroulement est en lenteur et en silence, le très grand nombre de personnes regroupées est demeuré dans un silence étonnant pour un bel après-midi ensoleillé.

Pour ce qui est de l’événement principal des spectacles extérieurs, La quête du dragon, ce fut une grande déception relativement aux belles intentions de remettre à l’honneur un spectacle de marionnettes géantes, tel que l’offrait lors des éditions antérieures La Dame de Coeur. À mon avis, il s’agissait davantage d’une pâle copie du Cirque du Soleil que d’un véritable spectacle de marionnette. La chanteuse, accompagnée de musique mystérieuse, les numéros de cirque et les effets pyrotechniques, volent la vedette à la seule et unique marionnette qui semble être un prétexte plutôt que le centre du spectacle. Une tête de dragon magnifique qui malgré sa capacité à ouvrir la bouche, ne fera pas un seul son. D’ailleurs, il n’y a aucune parole de tout le spectacle ; seules trois pages de texte en projection au début font office de parole, qui auraient pu très bien être lues par un narrateur, histoire de rendre le spectacle un peu plus chaleureux. L’utilisation des projections n’était pas du tout de niveau pour un spectacle de cette envergure. Il y avait, certes, de très beaux éclairages et la musique était bien réalisée, mais le principal n’était pas au rendez-vous. Il aurait peut-être valu la peine de mettre moins d’argent sur les projections et les effets pyrotechniques et concevoir plus d’une marionnette, plus petites peut-être, et nous offrir une histoire plus palpitante. Ce spectacle s’appelle peut-être La quête du dragon, mais voilà bien l’antithèse d’une quête ; il ne se passe que peu de choses, mis à part quelques effets pyrotechniques bien impressionnants, mais sans aucune magie, l’arrivée de soldats et quelques numéros de cirque dont on ne comprend nullement l’interaction avec le dragon. Il n’en demeure pas moins que cette initiative de vouloir offrir aux festivaliers un grand spectacle extérieur gratuit fut tout à fait louable… mais pourquoi ne pas se concentrer véritablement sur les marionnettes, puisqu’elles sont le cœur et l’âme de ce festival?

Vivement la prochaine édition!

Au final, ManiganSes est un festival très bien ancré dans son environnement. Il fait vibrer le coeur des petits comme des grands et permet à la marionnette de prendre réellement son espace. Le festival contribue au rayonnement international de cet art parfois incompris ou mal-aimé, ayant reçu depuis ses débuts plus de 100 compagnies provenant de quelque 26 pays différents. Les spectacles ont cette année battu des records d’assistance, prouvant toute la pertinence de cette célébration théâtrale. Marionnettes habitées, à fil, géantes, de papier, à gueule, d’ombres, d’objets, d’ici ou d’ailleurs, elles s’animent pour notre plus grand plaisir et deviennent un incontournable de la région, et même du Québec. On s’y revoit donc dans deux ans!

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