par David Lefebvre

Céphalopode :  classe de mollusques évolués, carnivores et marins, à tentacules munis de ventouses, comme les pieuvres et les calmars.

Céphalo – tête
Pode – pied

Le festival littéraire Québec en toutes lettres s’est ouvert hier devant une salle comble, au complexe Multi, avec un premier événement double éclectique, envoûtant et somme toute festif.

En première partie, les auteurs et comédiens Paule Marier et Stéphane Crête ont exploré la mobilité de la langue à travers le céphalopode, ou le mollusque (en écho avec le lieu!), accompagnés presque en permanence par un orchestre de six musiciens, incluant René Lussier (guitare électrique), Pierre Langevin (clarinettes), Marie Bernard (ondes Martenot), Julie Houle (tuba), Stefan Schneider (batterie) et Nancy Tobin (souffle). Par la métaphore, la prose poétique, le conte et l’incessant jeu du langage – Paule Marier a offert un superbe texte sur les conséquences de la disparition de la lettre O – les deux acolytes, dissimulés entre la clarinette et le tuba (bien dommage, il aurait été plaisant de les voir davantage) prennent et décoincent la parole, en solo ou en duo. Stéphane Crête ouvre le bal, d’ailleurs, avec un énoncé scientifique : chaque seconde sur terre, quatre personnes naissent, deux personnes meurent, chaque seconde. Combien seront nés et combien seront morts à la fin du spectacle ? Une pensée qui bouscule et qui nous entraîne dans l’immensité du monde. Les écritures opposées de Marier et Crête se marient pourtant bien ici : alors que la première s’amuse dans les énumérations, l’autre use de son humour typique, parfois corrosif, mais toujours comique, dont lors de la déclamation du poème intitulé « Céphalopode mon amour » que Lucien Francoeur n’aurait pas renié. On plonge au coeur de l’océan tentaculaire, on joue avec l’encre des pieuvres qui drogue ou qui inspire, on parle de zoophilie, de courage… Le ton de la lecture, toujours posé, berce.

Sous la direction de René Lussier, la trame musicale devient presque expérimentale, lorgnant vers le jazz ou la musique arabisante. La musique accompagne de manière exemplaire la narration, créant un univers onirique et fantaisiste, et ce, tout au long du spectacle. Une première partie qui fascinera les spectateurs jusqu’à la toute fin de l’entracte.

En deuxième partie, c’est le quatuor d’exception formé de Pierre Labbé (musique électronique et saxophones), Michel Faubert (voix), Pierre Tanguay (batterie) et Bernard Falaise (guitare) qui prend d’assaut la scène Multi, avec un spectacle actuel où se mélangent contes, complaintes et expérimentations musicales jazz-rock-trad-électro. Personnellement, c’est le spectacle de type trad le plus décapant qu’il m’a été permis d’assister. Intitulé Parlure et parjure – un disque d’ailleurs serait en préparation – Faubert commence en donnant la définition de plusieurs mots, définitions totalement de son cru et fort amusantes. Par quelques récits et chansons anciennes, on navigue autour de la crise du verglas, de Marius Barbeau qui a fait connaître la mélopée de Jean Béliveau, une chanson qui se répète, comme un ruban de Möbius. On recule même jusqu’au 6e siècle, découvrant les mots d’un barbe celte qui chantait « les vivants ne m’écoutent pas et je ne les entends plus ». Un hommage au violon sans violon, un autre conte humoristique sur un miroir et deux vieux qui ne se sont jamais mirés et une déclamation classique de navire qui coule. Le spectacle à la musique percutante et audacieuse se termine sur une magnifique légende amérindienne.

Si le tout fut fort inspirant, on aurait tout de même aimé avoir davantage de contes et de mots, de « parlures et de parjures », dans les circonstances d’un festival littéraire ; la musique, aussi extraordinaire soit-elle, prenait ici tout de même beaucoup de place.

À venir :
Déambulatoire Volatil
Visite de la Maison de la littérature
Cases et possibles

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