par David Lefebvre

Dernière journée de festivités pour le Québec en toutes lettres, qui a présenté hier son activité phare, Oeuvres de chair.

Proposée en deux parties, Oeuvres de chair offre d’abord la chance aux festivaliers de rencontrer, en mode speed dating, une douzaine d’auteurs établis ou de la relève.

Tous avaient l’air intéressés, ouverts et heureux de faire partie de l’expérience. La chance m’a mené vers Louis Jolicoeur, professeur d’université et traducteur littéraire, qui a récemment publié Poste restante, une relecture de son journal de voyage lorsqu’il partit pour l’Europe à 19 ans ; Hans Jurgen Greif, écrivain et professeur de littératures française et allemande, qui a pu me présenter quelques oeuvres de sa plume, dont le roman historique La colère du faucon, ou encore La bonbonnière, qu’il a commis avec le Québécois Guy Boivin et qui décortique plusieurs générations d’une famille d’ici, et Le chat proverbial, qui regroupe onze nouvelles basées sur les chats. J’ai pu serrer la main de Michael Delisle, écrivain de Longueuil, fils d’homme de la pègre, qui écrit sous l’impulsion de l’interdit, lui qui semble avoir subi les affres de l’omerta familiale. Son livre Le feu de mon père s’apparenterait à Ma vie rouge Kubrick de Simon Roy – à lire. C’est avec Sophie Bienvenu que j’ai conclu mon speed dating : on a jasé de livres coup de coeur – La bête à sa mère, de David Goudreault – et de coup de gueule (« je suis sûrement la seule au Québec à ne pas l’avoir aimé » me confie-t-elle), La déesse des mouches à feu, de Geneviève Petterson. Elle insiste sur l’importance de la musicalité dans l’écriture, dans la sienne surtout, elle qui écrit « dans l’oralité ». Il faudra bien découvrir ses romans Chercher Sam et Et au pire, on se mariera (adapté au théâtre l’an dernier et présenté cette année du 3 au 7 novembre à Premier Acte)…

LES CHAMBRES

La deuxième partie, très courue, propose d’entrer dans l’univers de neuf créateurs de diverses disciplines artistiques. Une surprise nous attend, chaque fois que l’on pousse la porte de la chambre d’hôtel qu’ils occupent.

Cette année, peut-être que le hasard ne m’a pas porté vers les chambres les plus saisissantes, mais les propositions manquaient d’éclat, d’originalité ou de sensualité, même si elles avaient un lien de près ou de loin avec la chair, au coeur du titre de l’événement. En miroir au speed dating, j’ai pu visiter cinq des chambres proposées. Dans la première, l’auteur de bande dessinée Pierre Bouchard mettait en scène un Pierrot qui demandait aux festivaliers de compléter la comptine Au clair de la lune, alors qu’on projetait, sur les rideaux de la chambre, quelques dessins faits en direct. La projection, trop petite, ne permettait pas de bien apprécier le dessin. De plus, elle était cachée par une tente montée à côté d’un lit, dans laquelle prenait place le dessinateur. Un moment plus dérangeant que plaisant. François Matton, dessinateur et écrivain français en résidence à la Maison de la littérature, proposait une séance d’hypnose érotique. Le texte récité, selon une personne connaissant bien les rouages de l’hypnose conversationnelle, était savamment écrit, et les projections, des croquis érotiques, donnaient l’envie d’en savoir davantage sur la démarche de Matton. Malheureusement, on reste sur sa faim. Maxime Robin, accompagné de Lise Castonguay et Leïla Donabelle Kaze, mettait en scène trois personnages de la littérature de contes, soit Blanche Neige, Cendrillon et la Belle au bois dormant, qu’il dévergonde en leur faisant lire un extrait de livre – respectivement Le sexe des étoiles de Monique Proulx, Ru de Kim Thui et Putain de Nelly Arcan. Costumes flamboyants, à la Marie Antoinette, maquillages extravagants, les trois comédiens se prennent aux mots lus, réagissent doucement, réfléchissent, puis paniquent et nous poussent hors de la chambre. Le moment le plus théâtral de la soirée, mais duquel on aurait aimé ressentir davantage.

La seule réelle rencontre interactive fut celle impliquant l’écrivaine Héloïse Côté (les trilogies Les Chroniques de l’Hudres et Les Voyageurs), qui, avec douceur, a tenté d’expliquer comment une auteure de fantasy crée ses mondes, d’où provient son inspiration et quels sont ses défis au quotidien. Une rencontre tout aussi fascinante que d’une grande simplicité qui, espérons-le, aura piqué la curiosité de certains festivaliers. C’est le poète François Rioux, récipiendaire du tout premier Prix des libraires du Québec dans la catégorie poésie québécoise pour son recueil Poissons volants (Le Quartanier), qui nous accueillera en dernier. Récitant quelques extraits de ses textes poétiques réalistes, cousus à l’intérieur d’un monologue échafaudé pour l’occasion, Rioux nous entraîne sans effort dans son monde, celui de jeux, de corps, d’hiver en été, de chambre blanche et de sa légère obsession pour Diane Kruger. Moment apaisant, qui prouve encore une fois que la poésie peut être d’une déconcertante accessibilité.

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Ce fut un immense plaisir de parcourir et de couvrir ce festival qui, année après année, propose une programmation surprenante et audacieuse.

À l’an prochain !

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