The One Dollar Story : Se déconstruire et se reconstruire

The One Dollar Story : Se déconstruire et se reconstruire

Avant la représentation de The One Dollar Story, la directrice artistique sortante du Théâtre Prospéro, Carmen Jolin – accompagnée de son successeur, Philippe Cyr – vient nous dire quelques mots : « Cette pièce est le fruit d’une collaboration France-Québec débutée en 2016 entre la compagnie Act Opus-Roland Auzet et Le Groupe de la Veillée. Elle a fait l’objet d’un laboratoire dans le cadre de l’édition 2019 de Territoires de paroles ici même. Pour toute l’équipe, il paraissait évident que l’aventure ne s’arrêterait pas là. Pour des raisons évidentes, la version définitive – remodelée et élaguée – n’a pu être présentée en 2020, mais qu’à cela ne tienne… on s’est tous dit  » ce n’est que partie remise « ». Si la route a été ardue, la destination est sublime. Rideau!

Pressentie d’emblée pour jouer le rôle-titre, l’actrice Sophie Desmarais a déjà confié en entrevue « qu’au théâtre, il faut du danger, sinon, ce n’est pas intéressant! » Or, en acceptant de porter seule le texte touffu de Fabrice Melquiot – que l’actrice décrit comme un « terrain de jeu incroyable qui passe au travers d’un éventail d’états » – elle relève un défi olympien avec brio. Son premier solo époustouflant marquera certes son parcours professionnel.

La scène peinte en gris est dénudée. Seuls un frigidaire garni de boissons et de fruits et quelques chaises la meublent. On se croirait dans un sous-sol d’église pas tout à fait prêt à accueillir une réunion des AA. Jodie fait son entrée côté cour. Elle est toute menue, toute frêle, puis devient immense à mesure qu’elle se déconstruit et se reconstruit sous nos yeux. Elle raconte son histoire, Jodie. Au chevet de son père adoptif mourant, elle découvre un secret troublant sur ses origines. Secret qu’elle doit percer. L’enquête s’amorce. Pour démêler le vrai du faux, Jodie part en road trip à travers les grands espaces américains, traînant dans son sac à dos sa douleur et sa colère. Elle est seule, ici, là, partout. Elle n’est personne nulle part. L’enfant aux racines coupées à la naissance, pas fichue de dire qu’elle est une femme à 40 ans, erre dans toutes sortes de souvenirs : naissance, abandon par sa mère aux mains d’un faux père aimant, deuil, retrouvailles avec son vrai père, the real One Dollar Story. Souvenirs infiltrés de plusieurs icônes artistiques (Cohen, Forsythe…) et de nombreux fantômes. Elle avance, Jodie. Impertinente, impudique et touchante, Jodie. Elle disloque les mythes et démasque les falsificateurs. Elle prend tout de plein fouet. Elle revisite sa vie par bribes, par flashs, par tous les sens. Sens habilement amplifiés par un micro scotché au corps de l’interprète. Dispositif qui capte et renvoie ses moindres déglutitions, mâchements, cris, crises, rires, soupirs… et silences. Ou sens exploités dans des projections sur deux murs en face à face, dévoilant des morceaux de Jodie.

Ému, le public la suit. Lui aussi veut comprendre l’énigme insondable. Cautérisée au fer rouge, Jodie continuera de se battre, d’avancer vers la vérité, sa vérité, en quête d’une seconde renaissance afin de se sentir entière et vraie. Et comme nous tous, elle n’attend que l’amour. Une magistrale performance.

Crédit photo Maxime Robert Lachaine


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Calendrier

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Du 22 mars au 16 avril 2022

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